REVUE DE PRESSE

Mes 5 affaires les plus marquantes

AFFAIRE CHABERT
AFFAIRE BACA
AFFAIRE DUPIN
AFFAIRE CARRIE
BRAQUAGE DU MAC DO DE NÎMES

Affaire Chabert

C’est l’histoire d’une femme qui a disparu du jour au lendemain sans laisser aucune trace.
Ghosting ? Meurtre ? Enlèvement ? Départ dans une secte ?
Toujours est-il que ce 10 juin 2003, Nadine Chabert disparaissait mystérieusement après avoir dit à sa fille alors âgée de 10 ans, « au revoir mon bébé je t’aime ». Et depuis plus rien. Aucune nouvelle, aucun signe de vie. C’est sans doute la raison pour laquelle son mari fut rapidement soupçonné, par une singulière bande d’amis de Nadine d’abord, mais aussi par les enquêteurs.

J’ai découvert pour la première fois ce qu’était une procédure complètement à charge. Tellement à charge qu’ils n’auront finalement jamais cherché Nadine, se contenant de démontrer la culpabilité de son mari, défendu par le pugnace Maître Claude Llorente. Exit la présomption d’innocence.

Et ça a bien failli marcher puisque ce dernier a été condamné à 20 ans de réclusion pour le meurtre de sa femme qu’il a toujours, comme il continue encore aujourd’hui de le faire, nié avoir commis.

Mais c’était sans compter sur la détermination de sa fille Emilie et de sa belle-mère. Dans ce dossier j’étais partie civile de Nadine, et intervenais pour Hélène, la maman de Nadine. Une femme remarquable de courage et d’abnégation, de sincérité et de détermination, qui aura passé son temps à chercher sa fille, convaincue qu’elle était que Nadine est encore en vie. Au-delà d’une touchante rencontre, parce que le combat de cette mère était aussi devenu le mien, c’est aussi celle de Roland Agret, de sa femme Marie-Jo et de leur association Action Justice.

Une nouvelle équipe d’avocats, un dossier repris de A à Z, une enquête de terrain menée parfois avec des journalistes et nous voilà convaincus de l’innocence de cet homme. Au terme de quinze jours d’audience, un soir à quatre heures du matin, la Cour d’Assises de Draguignan a rendu son délibéré : « Monsieur CHABERT, vous êtes acquitté ». C’est du reste la seule fois où, assis sur le banc des victimes, je plaidais l’acquittement. Dans la nuit, nous allions chercher Monsieur Chabert à sa sortie de prison et passions la nuit à savourer le précieux moment des retrouvailles.

Mais cette victoire judiciaire était de courte de durée car il fallait donner une réponse à Hélène, Emilie et à ses proches : « où est Nadine ? ». Avec mon ami Denis Fayolle, le brillant avocat d’Emilie, nous savions que cet acquittement n’était qu’une étape. Il nous fallait repartir affronter la Justice pour la convaincre de chercher enfin Nadine.

D’une nouvelle plainte à la saisine d’un Juge d’Instruction, d’un appel à la Cour de Cassation, au bout de treize ans de procédure, la Justice rendra un non-lieu, laissant tout le monde dans l’incompréhension et l’amertume, l’impuissance et le sentiment d’inachevé. La Justice a du mal à reconnaitre ses torts et campe sur ses a priori et sur ses certitudes, fussent-elles totalement faussées. On ne bouscule que difficilement les lignes de la Justice surtout quand les armes ne sont pas égalitaires.

Ce qui pour moi fut un dossier lourd à porter, restera pour ma cliente la douloureuse épreuve de sa vie. Je n’archiverai jamais ce gros dossier et lui laisserai toujours une place prioritaire sur les étagères de mon Cabinet.

Affaire Baca

D’habitude on donne au dossier le nom du criminel en cause. Ce dossier-là portera à jamais le nom de la victime et celui de mon client, puisqu’il s’agissait de son père.
Dans la nuit du 5 au 6 août 2014, Edith a tiré à bout portant dans la tête de son compagnon et père de ses enfants qui était en train de dormir sur le canapé. Elle prétextera plus tard, et même bien plus tard, trop tard à mes yeux pour être crédible, être la victime d’un « tyran domestique » ; d’un homme violent qui l’aurait bafouée, humiliée à tel point qu’elle n’aurait pas trouvé d’autre alternative pour se défaire de ses griffes.

Une véritable stratégie de défense à la Jacqueline Sauvage, sauf que cette dernière a tout de suite appelé la police pour avouer son crime. Au lieu de cela, et c’est pour ça qu’elle ne trouvera jamais aucune grâce à mes yeux, après avoir fait déjeuner ses enfants, leur laissant même le soin d’embrasser leur père qui « dormait », elle enterrera le corps sous la balançoire où les enfants avaient l’habitude de jouer.

A mon jeune client Hugo, elle racontera que son père est parti sur Nîmes pour le voir.
A ses autres enfants, elle expliquera que Papa a disparu.
A la famille, elle dira que Laurent avait besoin de faire un break.
Aux enquêteurs, elle soutiendra qu’il est parti faire un go fast en Espagne.

Et lorsqu’en pleine canicule estivale, les voisins se plaignaient d’une odeur nauséabonde, Edith déterrait le corps pour le monter dans les combles et y couler autour de lui un véritable sarcophage de béton. Le crime aurait pu être parfait, si elle n’avait pas fini par craquer devant les enquêteurs venus faire une perquisition. Un policier qui visitait les combles n’avait rien remarqué.

A partir de là, Edith changera encore de version pour indiquer que le tir était accidentel. Je pense même qu’elle finira par s’en convaincre puisque, du fond de sa cellule, elle écrira à Hugo, le fils de Laurent, pour lui souhaiter un bon anniversaire et espérer qu’il lui donne des nouvelles.

Hugo, quand je l’ai rencontré, était un jeune ado qui ne comprenait pas ce qui lui arrivait. Certes, il voyait son père de moins en moins souvent, étant à Nîmes et ce dernier à Toulouse, mais l’amour entre les deux était sa faille. Le plus choquant dans cette triste histoire est qu’Hugo a été quelque peu mis à l’écart de cette procédure. Un jour, alors qu’on lui avait dit que son père avait disparu et qu’il le cherchait seul dans les rues de Nîmes, il tomba sur une affiche du journal le Nouveau Détective où, sous la photo de son père, était écrit : « pendant 3 mois les enfants ont dormi… avec le cadavre de leur père ! ».

Voilà ce que ce jeune homme a enduré. Voilà ce qu’il a dû subir lors de la première audience où Edith, condamnée à 3 ans de prison pour violence involontaire, est rentrée chez elle le soir du verdict. Heureusement que la Cour d’Assises d’Appel n’a pas été dupe, et a fini par condamner Edith à la peine de 10 ans de réclusion pour meurtre. Le combat n’a pas cessé après ce procès parce que le Fonds de Garantie, et c’est un comble, refusait d’indemniser Hugo parce que Laurent, violent avec Edith, aurait concouru à son propre préjudice.

Ce dossier était pour moi d’une violence inouïe parce que j’ai dû expliquer à un enfant, déjà victime du pire, ce que moi-même je ne comprenais pas.

Affaire Dupin

En 2016, j’ai reçu le courrier d’un homme incarcéré à la prison de Bordeaux, qui me demandait de le défendre dans une affaire de meurtre où, m’écrivait-il, il était innocent.
Les erreurs judiciaires existent plus qu’on ne le croit, et ce n’est pas mon ami Roland Agret qui m’aurait affirmé le contraire.

J’ai donc, avant de lui réserver une réponse, sollicité l’Ordonnance de Mise en Accusation, afin de m’imprégner du dossier. Les Ordonnances de Mise en Accusation sont les actes par lesquels les Juges d’instruction, en reprenant les arguments à charge et rarement à décharge, expliquent pourquoi ils estiment légitime de renvoyer un accusé devant les Cours d’Assises. D’expérience je sais qu’ils ne sont pas paroles d’évangile et que leur contenu reste parfois contestable et sujet à discussion.

C’est là tout le travail d’un avocat, surtout quand le client se prétend étranger aux faits qu’on lui reproche.

Mais dans cette affaire, quelle ne fut pas ma surprise de constater que celui qui deviendra mon client, était en récidive légale pour avoir, quelques années plus tôt, déjà été condamné pour meurtre. « C’est un profil de tueur en série », dira de lui un expert. On lui reprochait d’avoir tué une septuagénaire d’un coup de fusil, avant d’incendier sa maison pour maquiller son crime, non sans être parti avec sa voiture.

Je suis donc allé lui rendre visite à la Maison d’Arrêt et j’y ai rencontré un véritable homme des bois, rustre, frustre, froid, qui portait une longue barbe et qui, de surcroît, était torse nu parce que, disait-il, il souffrait d’une espèce de syndrome d’étouffement quand il mettait des chemises. J’acceptais finalement ce qui reste pour moi le plus gros défi judiciaire, et au-delà, mon premier véritable cas de conscience.

Bien que d’aucun disait que j’allais défendre l’indéfendable, je ne voulais pas tomber dans la facilité de refuser cette défense, parce que pour moi, et c’est un point de vue qui n’engage que moi, un avocat doit être capable de tout défendre. Mais même si finalement je n’ai pas à me poser la question de la culpabilité de mon client parce que je plaide avant tout un dossier, je ne pouvais que constater qu’il existait dans le sien davantage d’éléments à charge qu’à décharge.

J’ai sollicité l’intervention d’une amie bordelaise, Maître Pauline Payet, qui a accepté de me suivre dans cette aventure inédite. La singularité de ce procès avait atteint son paroxysme quand, à la traditionnelle question du Président, en début d’audience, de savoir s’il entendait répondre à ses questions ou faire valoir son droit au silence, notre client a choisi l’option de se taire. Pas un son n’est sorti de sa bouche durant la semaine d’audience, nous réservant seulement quelques petits commentaires ou mots d’encouragement à chaque suspension d’audience.

Evidement, il a été condamné à la peine maximale, à savoir la réclusion criminelle à perpétuité assortie d’une peine de sûreté de 22 ans.

Il n’est pas simple de se remettre d’une telle épreuve, il faut pour ce faire que le temps passe. Et le temps a fait son oeuvre. Mais après quelques mois, qu’elle ne fut pas ma nouvelle surprise de recevoir un autre courrier de ce client qui avait fait appel de sa condamnation et qui me demandait de le défendre encore devant la Cour d’Assises d’Appel. J’étais finalement soulagé qu’il fasse cette démarche pour enfin s’exprimer parce que j’estimais que, même si le silence, comme parfois les mensonges, faisait partie de ses droits les plus absolus, il devait quelques explications aux parties civiles.

Mais mon enthousiasme était de courte durée puisqu’en appel il avait décidé de se murer encore et encore dans le silence le plus total. Il me fallait donc plaider l’acquittement pour un homme dont j’étais loin d’être convaincu de l’innocence et qui, de surcroît, ne m’aidait en rien dans sa défense, préférant se taire et observer. Cette fois-ci j’étais seul, très seul, terriblement seul. Je vous livre les premiers mots de ma plaidoirie :

« Je vois dans vos yeux, Mesdames et Messieurs les Jurés, votre curiosité, votre interrogation, votre étonnement même.
Et je sais précisément ce que vous pensez à cet instant.
Vous vous demandez ce que je vais bien pouvoir dire pour défendre cet homme.

Vous vous demandez même s’il est bien utile qu’il soit défendu.

Vous vous demandez si finalement je ne vais pas défendre l’indéfendable.

Eh bien je vais vous répondre.

Oui, oui Monsieur DUPIN doit être défendu et je dirai peut-être même plus que quiconque.

Et je vais vous expliquer pourquoi.

Et je vais vous faire une confidence.

Vous savez, nous autres, quand on va n’importe où et qu’on dit qu’on est avocat, on a toujours le droit aux mêmes questions

Toujours.

Comment fais-tu pour défendre les dossiers indéfendables ?
Comment peux-tu défendre un homme qui a commis le pire ?
La réponse est simple : il n’y a pas d’avocat du diable parce que le diable n’existe pas.
Et puis surtout, parce qu’un dossier d’assises c’est une affaire de droit, pas de morale.
Personne ici ne doit l’oublier.
Personne ne doit faire de la morale.
Du droit, rien que du droit.
Moi je ne suis qu’avocat, je ne juge pas.
Ça c’est à vous de le faire.
Et parce qu’en plus d’être avocat, je suis auxiliaire de justice, il m’appartient de concourir au mieux à la bonne administration de la justice.
Et concourir à la bonne administration de la justice, c’est faire en sorte que tout soit dit, que rien ne soit tu.
Et dans ce dossier, je vais tout vous dire, ne rien taire, même si prendre la parole pour un homme qui a décidé de ne pas en faire usage est un exercice périlleux ».

Après avoir de nouveau été condamné à la peine maximale, les parties civiles m’ont salué, gage que j’avais fait mon métier strictement et surtout mon client m’a serré la main.
Je crois que depuis une dizaine d’années, personne ne lui avait serré la main.

Affaire Carrié

En 2008, une enfant de 12 ans, entendue par un Juge des Enfants dans le cadre d’agressions sexuelles perpétrées par son père, demandait au magistrat de retrouver sa maman. Elle lui confiait en suivant, les cauchemars incessants qu’elle faisait depuis toute petite, où elle voyait un homme vêtu de blanc, toujours casqué, porter des coups de couteau à sa mère. La petite qui n’avait que deux ans au moment de la disparition de sa mère n’avait comme souvenir d’elle que ce cauchemar qui la hantait toutes les nuits. Elle n’avait connu sa mère qu’au travers de ces rêves.

Quelques mois après cet incroyable rebondissement dans la disparition de cette pauvre mère que finalement seuls les enquêteurs auront cherché, Christian était mis en examen et écroué. Devant le magistrat instructeur il finissait par passer aux aveux, sereinement, précisément, avec un luxe de détails qui a fait pâlir les acteurs judiciaires pourtant habitués au glauque, aguerris à l’improbable, lorsque devant la Cour d’Assises la vidéo de sa confession a été diffusée.

Il avait reconnu l’avoir poignardée, découpée en morceaux et l’avoir donnée à manger à ses chiens, non sans avoir pris la précaution de les faire cuire ; le reste du corps, non comestible, avait terminé à la poubelle.

Mais toute la difficulté de ce dossier résidait dans le fait qu’il s’était rétracté à peine revenu dans sa cellule, laissant la Justice avec un dossier de meurtre sans preuve, sans cadavre avec pour seul élément le souvenir de cette enfant dont finalement le rêve n’était autre qu’un souvenir.

Si, en première instance, il réfutait tout en bloc, il avait fini par répondre à la présidente de la Cour d’Assises d’appel qui lui demandait, comme c’est l’usage, pourquoi il avait fait appel : « c’est pour avouer ».

Soulagement de courte durée car, même si nous étions tous convaincus de sa culpabilité, nous espérions qu’il s’explique, qu’il raconte, et surtout qu’il puisse dire où, quand et comment il avait tué cette pauvre jeune femme et ce qu’il avait fait du corps. Parce que sa fille, leur fille, souhaitait plus que tout pouvoir offrir une sépulture décente à sa maman qu’elle n’a pas eu le temps de connaitre.

La confrontation entre ce père et sa fille m’a marqué à jamais. En première instance, quand il niait malhabilement les faits, il n’avait pas craint de lancer à sa fille depuis son box : « je ne t’en veux pas ». Comme si cette petite était en quelque chose responsable de quoi que ce soit.

En appel, cette enfant pleine de courage a demandé à prendre la parole et les yeux dans les yeux s’est adressée à ce père : « Où as-tu mis maman ? Qu’as-tu fait de sa tête ? Pourquoi as-tu fait ça ? ».

Le moment était glacial, le silence était pesant.

Elle n’aura jamais les réponses tant souhaitées et devra grandir avec.

Dans ce dossier, même si je plaidais pour l’oncle et le parent de la maman sauvagement tuée, c’est à cette enfant que j’ai pensé en plaidant. Et c’est à cette jeune fille si courageuse et tellement digne que je pense souvent, me demandant ce qu’elle est devenue.

Braquage du Mac Do de Nîmes

Nous sommes le samedi 26 décembre 2009, il est 23h30 quand deux hommes cagoulés, armes au poing, font irruption dans le Mac Do du centre-ville de Nîmes. La police est arrivée très rapidement, au moment même où les deux voleurs étaient encore dans le restaurant. Mais malgré la présence de très nombreux policiers, ce braquage, sans doute peu préparé par des amateurs du crime, s’est soldé par une prise d’otage. Un geste fou, stupide, suicidaire.

Caroline, jeune salariée du restaurant, s’est vue entraînée sur un boulevard par un des deux agresseurs qui la tenait en joue avec une arme pointée sur la tempe. A un court moment elle s’est légèrement écartée, laissant l’opportunité à un policier de faire un tir de défense. Son ravisseur, dont elle n’a jamais vu le visage, est mort dans ses bras. Elle se souvient encore de son dernier souffle, de son odeur et de la détonation de ce tir de légitime défense.

Le lendemain, Caroline m’a téléphoné me disant : « je suis l’otage du braquage du Mac Do, voulez-vous me défendre ? ».

Voilà comment j’ai fait la connaissance de cette jeune femme qui restera toujours pour moi un modèle de courage et de résilience. Jamais une parole de haine ou de volonté de vengeance. Une véritable leçon de vie après un tel choc traumatique. Caroline, qui n’aura jamais fait l’objet d’une quelconque prise en charge psychologique, est devenue une véritable amie qui me donne régulièrement de ses nouvelles et prend des miennes.

Sans doute suis-je parvenu à l’accompagner lors des 5 ans de procédure de son épreuve judiciaire, le complice ayant fait appel de sa condamnation à 10 ans de prison, pour finalement reprendre la même chose. Sans doute suis-je parvenu à l’écouter, à la réconforter et finalement à la soutenir.

Parfois, pour ne pas dire souvent, le métier d’avocat va au-delà de la simple défense.

C’est surtout pour ces moments qu’il me passionne.